top of page

#04 Tout est politique : Refuser de dépendre des réseaux sociaux

Photo du rédacteur: Sandra MullerSandra Muller



En 2022, j’écrivais déjà un article qui parlait du rapport conflictuel que les artistes ont avec Instagram. Depuis, les choses n’ont pas beaucoup évolué positivement.


Pour plein de raisons très différentes, beaucoup de personnes souhaitent cette année faire table rase de certains réseaux sociaux et éventuellement en trouver de nouveaux. Sauf que personne ne veut être le premier à partir, personne ne veut dépenser trop d’énergie dans un réseau social obscur sans aucune garantie qu’il sera LE réseau de demain. Pour ma part, je trouve cette période extrêmement réjouissante. J’écrivais il y a quelques jours sur Substack à quel point j’aime les histoires de “Quit social media” qui pullulent en ce moment. Les gens parlent de quitter un réseau, le quittent ou justement le soutiennent, et expliquent pourquoi. Tout est politique ; et changer nos rapports aux réseaux sociaux l’est particulièrement.


Déconnecter est politique


Je n’apprends rien à personne lorsque je dis que notre temps passé sur nos téléphones et notamment les réseaux sociaux a un impact très important sur notre santé mentale. D’après une étude de Forbes France, nous sommes exposés à près de 10 000 publicités par jour. Déconnecter, c’est libérer du temps de cerveaux disponibles. Aujourd’hui, le temps de cerveau est une ressource, on parle d’économie de l’attention, alors s’extraire le plus de temps par jour de ce système, c’est consacrer des ressources à des choses plus essentielles inévitablement. Des choses qui ont une autre valeur que le consumérisme, la productivité et la rentabilité : prendre soin de soi, passer du temps avec ses proches, s’engager dans des activités bénévoles, militantes. C’est également avoir du temps de cerveau disponible pour se poser des questions, prendre du recul et réfléchir.


Partir c’est politique


On a vu non seulement une vague de personnalités et de médias partir du réseau X mais également expliquer pourquoi. Quitter un réseau social en déclin n’a pas besoin d’être justifié. Personne n’a fait de grande annonce lorsqu’on a déserté Myspace ou Facebook. Mais partir de X ou d’Instagram, c’est prendre position. Nous avons compris que nous étions des ressources gratuites à la disposition d’entreprises privées, que leurs dirigeants prennent position politiquement et que ce positionnement a un impact non seulement sur qui s’attribue la plateforme mais aussi sur ce qui est autorisé ou non dessus. Je parle ici de valorisations de certains contenus, de censure, de modération ou non-modération de certains contenus.


Les réseaux sociaux ont été ces dernières années un outil de diffusion et d’empouvoirement important pour les militant·e·s. Je pense notamment à MeToo ou Black Lives Matter. Mais ce mode d’empouvoirement n’est plus réalisable aujourd’hui. Pas sur des réseaux où certaines paroles sont invisibilisées, où le cyberharcèlement est monnaie courante, et où les algorithmes demandent de plus en plus d’efforts pour passer entre les mailles de la censure. Partir c’est aussi expliquer où nous allons. C’est choisir d’être présent ailleurs : sur TikTok, Bluesky, Cara, Mastodon, LinkedIn, Substack, WhatsApp, Signal, Telegram, Discord, … la liste est longue, nous avons l’embarras du choix et c’est ça qui est effrayant pour beaucoup de gens.


Musk a racheté twitter, lorsque twitter était déjà important. Idem pour Zukerberg qui a racheté instagram et whastapp, lorsque ceux-ci on commencé à supplanter Facebook et Messenger. Il ne faut pas oublier que ce schéma peut se reproduire à l’avenir et qu’il ne faut pas dépendre d’un réseau social, produit par une entreprise privée. Ça signifie prendre des risques et aller s’aventurer ailleurs.


Tester un nouveau réseau social c’est politique


Pour avoir étudié l’histoire de l’art, je peux vous le dire : les artistes précurseurs et précurseuses d’un mouvement rentrent souvent dans l’histoire, mais ielles récoltent très rarement le fruit de leur travail de leur vivant. S’aventurer et prendre des risques nécessitent de la curiosité et de la générosité. Certain.e.s peuvent être poussé.e.s par l’ambition d’arriver en premier, mais on ne retiendra que les gagnants, jamais celles et ceux qui auront essayé.


J’ai envie de vous rappeler que nous sommes biberonnés à la productivité et au résultat. Et que trouver le réseau social où sera tout le monde n’est peut-être pas la finalité. J’ai migré la gestion de ma newsletter sur Substack l’an dernier. Et à ma grande surprise, j’y ai retrouvé des plaisirs oubliés :


→ Partager ce que j’écris et dessine par pure générosité, sans aucune attente


→ Savoir que ma newsletter atteint ses destinataires dans sa boîte mail. Mon contenu n’est pas avalé par un algorithme qui choisit qui voit et qui ne voit pas mon contenu. Que mes lecteurices choisissent ou non d’ouvrir ce mail, maintenant, plus tard ou jamais.


→ Le temps long. On peut profiter d’un contenu qui a été préparé avec moins de précipitation qu’une story, qui se regarde ou se lit avec moins de frénésie qu’une vidéo TikTok et qui n’est pas coincé en sandwich entre deux autres posts.


→ L’absence de pub. Je n’ai rien à ajouter de plus que cette phrase nominale : L’ABSENCE DE PUB.


Tout ces avantages, nous en faisions l'expérience avant sur les réseaux sociaux. Détrompez-vous, je ne dis pas que Substack est un espace parfait et sans contenu problématique. Cependant, le business model ne dépend pas de la publicité, les contenus longs se prêtent moins au troll et pour l’instant, aucun milliardaire néo-nazi n’ambitionne de le racheter puisque son importance dans le paysage numérique est faible. Je m’y sens temporairement à l’abri de la frénésie.


Dernièrement, j’écoutais Naomi Klein qui parlait de lecture avec Xavier Delaporte dans Le code a changé. Elle a mis les mots sur ce que je n’arrivais pas à définir : lire un texte sur les réseaux sociaux est très différent que de lire un autre format, qu’il soit papier ou numérique. Il y a ce moment magique de la lecture, par exemple lorsqu’on lit un roman, on est immergé dans l’histoire qu’on nous raconte, et pendant un instant, on sort de soi. Avec les réseaux sociaux, ça n’arrive jamais. L’écosystème des réseaux sociaux est pensé pour qu’à tout moment, nous soyons dans une dynamique de réactions. On lit en étant déjà dans l’optique de liker, de commenter, de partager, de contredire, de s’insurger, de bloquer, de signaler, de troller.


Alors, loin de moi l’idée de vous dire “allez donc sur tel réseau social, ou tel autre”, mais moi, je vais choisir celui où je peux m’autoriser à sortir de moi. Comme lorsque je lis un livre.


De mon côté je vous propose de nous retrouver sur Signal, Mastodon, Substack et/ou LinkedIn.



 

Pour allez plus loin :




bottom of page