Vous avez souhaité un bon mois des fiertés à vos ami·e·s LGBTQ+ sur Instagram ? vous avez mis sur Tiktok une vidéo de manifestation anti-raciste ? ou encore vous avez écrit un post pour encourager vos proches à aller voter aux prochaines élections ? Il est possible que vous fassiez partie des internautes que les réseaux sociaux ont invisibilisé ces derniers temps.
Depuis maintenant quelques années les plateformes ont recours à des algorithmes pour modérer le contenu que les internautes partagent sur leurs plateformes. Et il s’avère que cette modération se montre particulièrement sévère notamment chez Meta, YouTube et Tiktok. Dans une étude mené par des chercheureuses de The Future of Free Speech, on apprend qu'en Europe 85% des messages retirés par Meta et Youtube n’enfreignent aucune loi en vigueur.
Que ce passe-t-il dans ce cas ? la visibilité de votre post et de votre profil sont restreint, le post est potentiellement supprimé automatiquement, et dans le pire des cas vous êtes “shadowban”, c’est à dire que votre compte existe mais que plus personne ne peut vous trouver. Globalement les sujets concernés sont : le sexe, la violence, la religion et la politique. Mais sans aucune subtilité malheureusement. On peut se faire censurer un post sur la prévention sur le VIH parce qu’on a utilisé le mode “sexe”, par exemple.
Heureusement les gens sont plein de ressources et trouvent des moyens très graphique de faire usage de leur liberté d’expression. Si l’écriture inclusive vous donne des ulcères et que vous ne supportez pas qu’on “massacre” la langue française respirez un grand coup, voici mon top 5 des astuces anti-censure :

1. Tronquez-moi cette lettre que je ne saurais voir
Pratique si vous aimez écrire de longs discours dans vos carrousels ou si vous postez régulièrement des screenshots de tweets dans vos story. Le principe est tout simplement d’utiliser l’outil pinceau pour tâcheter votre texte de point sur les mots les plus sensibles. Vous pouvez utiliser la même couleur que votre fond pour un effet poinçon ou une couleur pop pour un effet Kusama.

2. Tous les glyphes du monde
Ponctuation de langues étrangères, ligatures, accents ; utilisez tous les glyphes que vous trouvez ! Soyez créatifs ! Un point d’exclamation peut devenir un [i], une esperluette un [e]. Cette technique demande quand même d’avoir un certain sens de la composition typographique au risque d’être illisible si vous vous y prenez mal.

3. Langage texto, le retour
Nostalgique de l’époque où vous comptiez les caractères pour écrire un message sans ruiner votre forfait téléphonique ? Alors c’est votre chance, c’est le grand retour du langage texto. Vous pouvez également jouer sur la prononciation anglophone de certains caractères. Exemple : “HB67” signifie “Un homme blanc cisgenre hétérosexuel” et non pas “Happy birthday for your 67th”

4. L’écriture manuscrite rebelle
Avantage indéniable pour la commu des BDéistes et des illustrateurices. L’écriture manuscrite est un excellent moyen de passer en dessous des radars des algo. Et ça tombe bien parce qu’Instagram a vu fleurir ces dernières années une grandes quantités d’artistes militants qui vulgarisent, informent et documentent nos luttes contemporaines. Un conseil, soyez fougueux dans votre graphie ! plus elle sera scratchy et pleine d’altérité et moins vous serez repéré. Allez-y à la plume, au pinceau, à la craie, faut que ça gratte, faut que ça tâche !

5. Bonus emoji
J’ai hésité à vous parler des émojis, tout d’abord parce que ce n’est pas à proprement parlé de la typographie mais aussi parce que son utilisation premier degré est lisible par les algorithmes. C’est néanmoins un excellent outil puisqu'elle offre pleins de possibilités. Vous pouvez remplacer un mot ou une syllabe par une image comme pour un rébus ou bien évoquer une sonorité ou une situation au sein même d'une phrase.
Voilà ! Vous êtes maintenant armé·e·s pour militer en ligne, parler d’intime et de sensible sans choquer des intelligences artificielles un peu trop zelées. Qu’importe l’époque et les moyens de communications, des chemins de traverses seront toujours tracés pour s’exprimer. Qui sait ? peut-être que certain·es designers nous cuisinent actuellement des fonts anti-censure pour nous faciliter la vie ? Il existe bien le projet Seen mais on est plus sur de l’auto-censure.
Et si ça vous semble trop transgressif ne vous inquiétez pas trop. Des chercheureuses et des militant·es se mobilisent pour faire évoluer cette situation et faire que les politiques de modérations soient plus juste et assurent aux utilisateurices des moyens de s’opposer à la censure abusive.
Pour allez plus loin :
Une font pour s’auto-censurer http://projectseen.com/
La boite à outil pour lutter contre la désinformation et la censure https://futurefreespeech.org/