On va dévoiler le plus vilain secret des illustrateurices : On a tou•t•e•s copié sans vergogne et vous savez quoi ? on continue. Ça peut paraitre choquant. Vous vous dites sûrement “copier c’est tricher, copier c’est malhonnête, c’est du plagiat”. Et bien c’est plus subtil que ça, vous allez voir.
Un passage obligé
Tout d’abord copier c’est le premier réflexe qu’on a quand on apprend quelque chose. On imite Benzema dans la cour de récré quand on tire dans un ballon, on fait du playback devant son miroir comme Aya et on imite Pénélope Bagieu quand on dessine lorsqu’on veut devenir dessinateurice.
Il faut savoir que c’était monnaie courante dans les ateliers des grands maîtres de la peinture, qu’ils soient italiens ou flamand, tous copiaient des tableaux et des sculptures pour parfaire leur art. Certains même reproduisaient le même tableau plusieurs fois sur des années, nous permettant de voir l’évolution de leur style et de leur technique. Et notamment pour des peintresses qui n’avaient pas l’autorisation à une certaine époque de participer à des séances de modèle vivant où l’on voyait des hommes nus, c’était le seul moyen d’apprendre à dessiner le corps masculin.
De même, pour quelqu’un qui n’avait jamais vu de ses yeux un éléphant mais souhaitait peindre une fresque orientale, il fallait bien des reproductions à copier ou des descriptions dans des récits d’explorateurs. C’est comme ça qu’on peut se retrouver avec des animaux assez approximatifs sur certaines peintures du Louvre datant d’une époque où les gens voyageaient rarement et n’avaient pas google image.
Alors on ne devient pas illustrateurices professionnelles grâce à google images, hein. La majorité des illustrateurices passent par une école d’art où iels ont des cours de modèles vivants (masculin comme féminin), d’anatomie, de perspective, de dessin d’observation, de couleurs, etc mais je crois que ni moi ni les illustrateurices que je connais n’avons jamais arrêté de copier pour apprendre.
Dessiner d’après le réel ou d’après modèle
Oui on continu, sans vergogne on copie tout : des illus, des photos, des motifs, des palettes de couleurs, des sculptures.
Beaucoup d’illustrateurices se prennent elleux même en photo pour reproduire la bonne pose d’un personnage par exemple, ou photographient leur propre main dans une position. Parce que tout simplement même quand on est un·e professionnel·le expériementé.e on ne peut pas tout savoir dessiner de tête et que la technologie nous permet de nous simplifier le travail alors pourquoi s’en priver ? Certains logiciels proposent des modèles 3D de rue, de ville ou de mannequin pour pouvoir décalquer par dessus. On peut voir ça comme de la triche ou comme une très bonne astuce, à vous de décider si vous voulez passez 4h a dessiner une rue en perspective ou 10mn.
Trouver son style
Chaque illustrateurice développe au fil des années un style propre. Souvent c’est une synthèse subtile entre nos capacités, notre personnalité et tou.s.tes les artistes qui nous on inspiré.es au fil du temps. Recopier le style de celleux qui nous inspirent et qui nous impressionnent ça nous permet de forger notre propre style, ça ne veut pas dire qu’on s’approprie le style d’un·e autre.
S’inspirer c’est puiser dans une illustration, une photo ou n’importe quelle oeuvre. Le but étant de dresser sont regard et son geste, pour ensuite digérer cette information et venir enrichir son propre style. La voilà la limite, là où s’arrête l’inspiration commence votre propre identité graphique. Et si vous cherchez votre style, Marie Spenale et YeahCy en parlent super bien ici et ici.
Inspiration ou plagiat
Alors si on a le droit de copier quelle est la différence avec le plagiat ?
Tout d’abord copier c’est bien, mais c’est pour vous. Si je reproduis une illustration de Cyril Pedrosa pour m’entrainer, je ne la poste pas sur les réseaux sociaux, je ne la vends pas à un.e client.e, je ne la mets pas sur Etsy en 3000 exemplaires imprimés. C’est là que commence le plagiat, lorsqu’on prétend que l’illustration nous appartient. vous avez certes produit l’objet tangible, mais vous n’avez pas la propriété intellectuelle de l’oeuvre.
De même si vous êtes illustrateurice et qu’un.e client.e vous demande une illustration “ à la manière de …” vous êtes en position de défendre le travail de votre communauté. Vous n’êtes pas Pénélope Bagieu, si votre client.e veut une illustration de Pénélope Bagieu iel n’a qu’à l’appeler. En vous demandant ça iel vous met dans la position d’un.e faussaire. Vous avez tout à fait le droit de répondre non et de lui expliquer pourquoi. Et vous méritez de travailler avec des client.e.s qui vous choisissent pour votre style.
La peur d’être dépossédé.e
Évidemment, ça existe, nous sommes à l’air d’internet. La majorité des créatif.ve.s que je connais partagent leur travail sur les réseaux sociaux et/ou sur un site. Et on entend tous les jours des personnes qui témoignent s’être fait voler une illustration : par une marque de t-shirt, par un.e autre créatif.ve, par un.e particulier qui voulait faire un joli mug à son meilleur ami (histoire vraie à découvrir ici ).
Cependant ne laissons pas la paranoïa et la suspicion prendre le dessus. Tout d’abord une bonne partie des personnes qui usurpent le travail des illustrateurices n’a aucune notion de copyright et de droits d’auteurs. Par exemple beaucoup de personnes utilisent google images ou Pinterest comme une source de contenu libre de droit (breaking news : c’est faux). Et les quelques un.e.s des client.e.s qui m’ont demandé de dessiner “à la manière de…” ont vite changé d’avis lorsque je leur ai expliqué ce qu’était le plagiat. Ensuite il faut savoir que nous vivons dans un pays qui défend assez bien la propriété intellectuelle contrairement à d’autres et que ces pratiques sont passibles de poursuite. Et enfin être un.e sale copieur.euse à l’air du numérique rappelez-vous bien que c’est la honte, parce que l’information circule très vite et la hipe sera de courte durée.
Alors à vos crayons, copiez sans vergogne ! copiez pour vous entrainer, copiez pour vous inspirer mais surtout ne plagiez pas.
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